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Samedi 9 décembre 2006 toujours dans le parc de Taman Negara  

Paule : Quand nous sommes partis dîner hier soir, nous avons essuyé un très bel orage tropical et nous sommes arrivés au restaurant trempés des pieds à la tête. A 20h30, nous rencontrons notre guide, une promenade nocturne était prévue pour aller voir les insectes et écouter les bruits nocturnes de la forêt. Mais, vu la pluie, la promenade est bien sûr annulée et rendez-vous est pris pour 9h le lendemain matin avec notre guide (qui n’est que pour nous deux).

Nous partons donc à 9h pour une marche dans la forêt. Nous avons bien-sûr mis nos chaussettes de footballeurs, achetées sur les conseils de Benjamin, pour aller dans la forêt. Nous marchons pendant environ 1h. Notre guide qui doit avoir aux alentours de 25 ans nous dit qu’il est « fils » et « petit-fils » de « rangers » chargés de s’occuper de la forêt. Il parle assez bien l’anglais. Il nous montre toutes sortes de bestioles, des sangsues, des champignons, des lianes qui s’accrochent aux troncs des arbres, des bambous et des acajous. La forêt est assez dense et peu hospitalière.  

Le clou de la promenade est une marche d’environ 300 m sur un « canopy walkway » qui est un ensemble de plusieurs ponts suspendus accrochés assez haut dans les arbres. On marche sur une étroite planche en bois et il y a des filets d’environ 1m20 de haut de chaque côté avec une grosse corde en haut à laquelle on se tient pour avancer. Au début, c’est plus surprenant qu’effrayant. On est parfois à 40m au dessus du sol, mais les arbres sont encore bien plus hauts.

Nous revenons en bateau à notre resort. Nous traversons la rivière avec un passeur pour aller déjeuner de l’autre côté où il y a quelques restaurants assez simples installés au bord de l’eau.

Puis à 13h30 nous repartons en bateau avec notre guide pour aller voir des aborigènes locaux : les « bateks ». On navigue environ 25 minutes en pirogue pour arriver à un petit camp de ces aborigènes. Une femme est dans la rivière quand nous arrivons, la poitrine nue mais un morceau d’étoffes autour des hanches. Elle est avec deux petits enfants, eux complètement nus. Elle croise pudiquement ses bras sur sa poitrine quand nous approchons.

Nous débarquons et montons un peu pour arriver sur une espèce de plate-forme entourée de quatre ou cinq huttes recouvertes de palmes. Le guide nous explique que les hommes amènent les branches et les bois pour construire mais ce sont les femmes qui effectuent la construction et quand une fille sait construire une maison, c’est qu’elle est bonne à marier. Le guide nous parle alors du mariage : si j’ai bien compris, les jeunes se choisissent et passent ensemble une nuit dans la maison que la jeune fille a construite. Ils décident le lendemain matin si ils veulent se marier ou non.

Il y a deux personnages importants dans le village : le chef, qui n’est pas chef à vie, et celui qui sait soigner, le « médecin ». Dans le village où nous sommes, c’est le même personnage qui a les deux fonctions. Ici il est entouré de deux jeunes garçons d’environ 16 ans, très beaux tous les deux.

Tous les trois se livrent à diverses démonstrations devant nous :
-          allumer un feu avec un morceau de bois et une liane qu’ils frottent longuement autour du bois ;
-          fabrication de lances pour leur sarbacane (ou plus exactement de flèches).

Pour cela ils utilisent la partie centrale et dure d’une palme qu’ils taillent sous forme d’une grosse aiguille d’environ 20 cm de long. Le bout de la flèche est fait en balsa (bois très léger) et ils ont une technique très spéciale pour la polir à l’aide d’une feuille et en faisant rouler la partie en bois sur le dessus de la cuisse.

Une fois la flèche terminée, ils nous l’offrent (presque terminée car pour chasser ils mettent du poison au bout de la flèche, ce qu’ils n’ont pas fait là).  

Puis un des deux jeunes gens et notre guide se livrent à des lancers de flèches à l’aide de la sarbacane. C’est bien sûr le jeune garçon batek qui atteint la poupée située à environ 10 m en plein visage. 

Un petit garçon d’environ 5 ou 6 ans vient de temps en temps observer les « grands », car les enfants doivent apprendre par eux-mêmes simplement en observant les anciens. Le guide nous explique que les « bateks » abandonnent leur camp pour en construire un autre plus loin dès qu’il y a un décès. Ils emmènent le peu de matériel qu’ils ont : quelques ustensiles de cuisine, leurs outils et quelques morceaux de tissu que l’on voit dans leurs huttes.

Peu de temps après avoir repris notre bateau pour rentrer, nous essuyons un énorme orage tropical et comme il n’y a pas de toit sur la pirogue nous arrivons encore trempés dans notre resort et nous devons aller jusqu’à notre bungalow toujours sous une pluie battante. Nous sommes tout dégoulinants en arrivant et il est très agréable de changer d’habits pour en mettre des secs.

Pendant que j’écris, nous écoutons Yves Montant grâce à la musique enregistrée par Cathy sur l’ordinateur. Le soir, nous dînons avec une dame française, environ 60 ans, originaire d’Arcachon et qui voyage toute seule. Elle ne semble pas mécontente d’avoir des gens à qui parler. Elle est assez agréable. Nous lui offrons le roman que nous avons lu tous les deux, « la vie française » que j’ai trouvé intéressant, M l’a moins aimé.

Maurice : Il y a une petite terrasse couverte à l’arrière de notre chalet, où je m’installe à 6h avec du café, l’ordinateur et mes tout derniers cigarillos. En écrivant cette ligne je fume le dernier et après je ne sais pas ce qui va se passer : je n’aurai plus le plaisir de fumer mes cigarillos pendant un long moment. Les Pall Mall menthol ne me procurent pas du tout le même plaisir, même si elles sont mieux que rien. Le souvenir du plaisir des cigarillos va-t-il s’estomper, vais-je l’oublier, ou au moins pouvoir le reléguer dans un coin reculé de mon cerveau comme celui de boire ? Des freins analogues à ceux qui m’empêchent de boire vont-ils se mettre en place ? Contrairement à ce que pense Paule je ne suis pas du tout maître de la chose.

Notre guide est à l’heure et nous voilà partis dans la forêt où il tente de nous mon-trer des choses, plantes médici-nales, feuilles qui se rétractent quand on les touche, feuilles « papier de ver-re », rien de bien specta-culaire ni pas-sionnant. Ce qui est specta-culaire c’est l’entassement des végétaux dont beaucoup sont des parasites, qui vivent aux dépends des autres ou s’y accrochent, forment des arcs et des voûtes végétaux sous lesquels la lumière est glauque. Le Sony que j’ai à la main n’aime pas du tout ça. Spectaculaire aussi, l’enchevêtrement des racines qui rendent la marche difficile bien que le chemin soit bien tracé et souvent emprunté. Nous faisons la promenade obligatoire pour tous les visiteurs de Taman Negara, celle qui mène au « Canopy walk way » dont ils sont très fiers et dont l’image orne toutes les pubs.

On fait à pas lents près de 300 mètres dans les arbres, à 20 mètres de haut sur une espèce de pont suspendu fait de cordages. On est totalement dans la verdure, on ne voit que peu de ciel, c’est un peu effrayant, je me dis que je préférerais être perdu dans le désert plutôt que dans cet « enfer vert » dont parlaient tous les rescapés de la guerre du Pacifique.

Nous rentrons en bateau en quelques minutes et notre guide nous fixe rendez-vous à 13h30. Déjeuner fort médiocre en face de notre resort, dans un « family » restaurant flottant. C’est la rivière qui fait la limite du parc ; de l’autre côté, qui peut s’atteindre en voiture, il y a quelques commerces et hébergements.

Le guide vient d’abord, puis le bateau, une petite pirogue conduite par un très jeune homme, où l’on commence par mettre toutes nos affaires dans un sac plastique imperméable qu’a amené le guide. Nous remontons la rivière pendant peut-être vingt minutes, passant des rapides dont je n’aurais pas cru qu’on puisse les remonter : visiblement c’est un des sports favoris ici, la remontée des rapides en pirogue, le jeune batelier fait ça très bien et au retour c’est notre guide qui nous donne une démonstration de son savoir-faire.

Et nous arrivons chez les « Bateks », peuple aborigène nomade, un de ceux qui vivent dans le parc, mais d’après Maini, notre guide, l’une des cinquante ethnies primitives et non assimilées existant toujours en Malaisie. Maini, dont j’apprends le nom en remplissant la feuille de satisfaction qu’il me tend, dit être né lui-même par ici, d’une telle ethnie, vivant  de façon très primitive de chasse, de pêche et de cueillette, avant d’aller à l’école où il a au moins appris assez bien l’anglais et il est devenu musulman.

Et Maini se révèle bon ethnographe, tout ce qu’il dit sur les bateks est intéressant : nous sommes dans un hameau fait de huit ou dix cases sommaires en palmes, dont on voit bien qu’elles sont habitées, certaines ne servent qu’à dormir, toutes petites avec juste la place de deux corps allongés côte à côte, une autre largement ouverte contient la batterie de cuisine, un petit foyer qui fume et l’espace destiné aux repas. Les bateks ont l’air flegmatique, une femme qui se baigne, les seins nus avec un petit enfant nous regarde passer quand nous arrivons, sans donner le moindre signe d’un sentiment quelconque. L’homme que nous trouvons plus haut ne donne lui-aussi aucun signe d’un sentiment quelconque et au début seul Maini parle et nous montre les sarbacanes.

De fait l’homme, une machette à la main ne cesse pas de fabriquer des flèches de sarbacane dont la tige longue de 25 cm est une nervure de palme effilée. Elles ont un embout s’ajustant exactement au diamètre de la sarbacane fait de balsa, taillé d’abord au couteau puis poncé avec la feuille papier de verre, l’homme faisant rouler la flèche très rapidement contre sa cuisse nue.

Un garçon à qui je donne 13 ou 14 ans fait une démonstration de son habileté en lançant sa flèche en plein cœur d’une poupée servant de cible à dix mètres, Maini qui souffle après lui est moins bon. Il paraît qu’ils peuvent atteindre des cibles à 40 mètres, ce qui ne suffirait pas à tuer l’animal visé si la flèche n’était pas empoisonnée.

Après cette démo de sarbacane, nous avons droit à la fabrication du feu, à laquelle se livrent le jeune souffleur et un autre garçon à peine plus âgé : par frottement d’un morceau de liane, muni de poignées aux deux extrémités pour pouvoir bien la saisir sur un morceau d’un bois spécial dans lequel on a creusé une cavité, où se forme le feu et qui l’abrite quand il naît de la chaleur dégagée par le frottement. Les deux garçons sont très beaux ; comme l’homme, auquel je suis bien incapable de donner un âge, ils nous regardent sans animosité mais sans curiosité non plus. Il y a d’autres enfants, plus jeunes, certains encore bébés.

Nous restons quelques trois quarts d’heure dans le hameau, les bateks nous font cadeau d’une flèche et de son étui en bambou ; nous n’avons pas été dérangés par les hordes de japonais qui se pressaient le matin au Walk Way. Maini prend le poste de conduite du bateau, nous disant que nous allons remonter encore deux rapides et revenir au resort. Nous n’en remontons qu’un, car la pluie a commencé à peine étions nous montés dans le bateau, et elle s’intensifie rapidement. Nous rentrons aussi vite que possible et arrivons aussi trempés que si nous nous étions plongés dans la rivière. A 16h nous sommes dans notre chalet où nous pouvons mettre des vêtements secs.

Avant le dîner j’achève « une vie française » que j’ai pu lire jusqu’au bout mais qui ne m’a pas du tout procuré la même satisfaction qu’à Paule et l’on décide de le donner à la dame française avec qui nous avons déjà échangé quelques mots. Elle est là, accepte notre offre du bouquin, et nous nous installons à la même table, elle n’est pas désagréable.

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