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Samedi 30 décembre 2006

Paule : Samedi, nous sommes partis en excursion avec 5 Américains pas très bavards (et pas drôles) conduits par Mikael qui faisait à la fois le guide et le chauffeur. La région de Mount Hagen est une zone agricole. On avait vu les jardins, bien dessinés, d’avion. Ils cultivent essentiellement les patates douces, les cacahuètes, des courges, des haricots verts et des « pommes anglaises » (pommes de terre), le taro et le manioc.

Nous nous arrêtons dans un premier village où nous attend une dame parlant assez bien anglais qui s’appelle aussi Pauline et qui est assez évoluée. Elle nous explique que la terre sur laquelle nous nous promenons appartient à son mari.

La terre se transmet de père en fils, les filles étant elles un « bon placement » puisque leurs futurs époux doivent les acheter (plusieurs cochons et pas mal de kinas payés à la famille de la fille).

La culture est essentiellement manuelle, au mieux ils disposent d’une pioche, sinon ils enfoncent dans la terre un bâton qui leur permet de soulever une motte de terre et ils travaillent ainsi la terre. Puis nous allons dans un autre village où nous assistons à un spectacle bouffon et grotesque (avec des papous « d’opérette ») et nous sommes assez déçus.

Maurice : Hier, nous avons enfin après le petit déjeuner écouté Chris qui voulait nous faire une « conférence » sur l’art. De fait, il nous a parlé une demi-heure et c’était tout à fait intéressant. Les sculptures sont pour lui de deux types : il y a les porte-bonheur, comme celles qu’il sculpte lui-même (je prends des photos de celle de ses sculptures qui est à la lodge) et puis les « esprits » qui peuvent être mâles ou femelles (leur sexe, vulve ou pénis est nettement indiqué) et être des esprits de l’eau (le crocodile en est un) ou des esprits de la terre (le casowari, ou casoar, en est un) ou des esprits des arbres (l’oiseau de paradis en est un) Et ces esprits sont actifs, on les invoque en diverses circonstances, pour faire venir la pluie, pour assurer une bonne récolte, pour lutter contre la maladie etc  

On se concilie les esprits par des danses, des chants, pas par des offrandes ou sacrifices (je lui pose la question), et tout le monde peut le faire, il n’y a pas de prêtre qui ait de vocation particulière à parler avec les esprits. Il n’y a pas d’âge non plus requis pour invoquer les esprits et participer aux manifestations destinées à les amadouer, les enfants participent. Il y a pourtant des rites initiatiques au sortir de l’enfance, et de nombreux individus, homme et femmes portent des scarifications qui sont faites à cette occasion sur leur dos essentiellement, le frère charpentier de Chris en porte que j’ai photographiées, une jeune femme sur l’air strip, hier, qui donnait le sein à un bébé portait les mêmes. D’après Chris, ces scarifications ne sont pas obligatoires.

Je lis un peu, avec irritation, un ouvrage d’ethnologie qui est à la lodge concernant un lot de 90 sculptures, que l’on peut voir au Museum der Kulturen de Bâle, provenant du bassin de la Karawari. Le livre est écrit par un certain Christian Kaufmann qui les a découvertes et faites acquérir par le musée de Bâle. Ce sont des statues longues avec une tête à une extrémité comme les porte bonheur de Chris. Toutes les interprétations « savantes », des plus infimes détails, la volonté de donner à tout prix une signification à la forme d’un œil ou d’un menton me paraissent vraiment sujettes à caution, et que dire de ses comparaisons entre ces sculptures et celles de Rodin ou Giacometti. Encore plus étrange est qu’il écrive qu’en 1973, date de son séjour ici, le mode de vie traditionnel des indigènes était déjà foutu, alors que trente ans plus tard, nous les voyons conserver un mode de vie qui doit extrêmement peu aux influences européennes, modernistes ou chrétiennes.

Vers midi nous partons avec Pauline, Chris et quelques autres vers l’air strip, l’avion doit arriver vers 12h45. Il a été retardé,  d’abord pour attendre à Mount Hagen, un touriste arrivant de POM par Air Nuigini et devant être conduit à Ambua, ensuite par les mauvaises conditions climatiques à Ambua l’obligeant à attendre un trou dans les nuages pour se poser. A vrai dire à 6h ce matin, le brouillard dense ne me rendait pas optimiste sur la possibilité de rejoindre Mount Hagen aujourd’hui, mais il s’est levé. Georges arrive bien à 12h45 et nous repartons vers 13h 30, il a fallu mettre un peu de carburant, c'est-à-dire approcher un fût de 100 litres, trouver une pompe à main ce que fait assez maladroitement le beau papou en bottes jaunes préposé à la tonte du terrain.

Georges fait tomber quelques gouttes de carburant d’une valve à la base de chaque réservoir, il les recueille dans une bouteille en plastique et les examine d’un œil sévère : c’est comme ça qu’il s’assure qu’il n’y a ni impureté, ni goutte d’eau intempestive qui pourrait venir bloquer un moteur en vol.

Il faut avoir confiance, heureusement Georges inspire confiance, il faut avoir encore plus confiance quand l’avion fonce dans des nuages complètement opaques et gorgés d’eau qui fouettent le pare-brise. Georges qui n’entend rien avec ses gros écouteurs sur les oreilles, nous fait signe qu’il va y avoir de la turbulence. De fait il n’y en a pas : c’est seulement assez angoissant de ne rien voir et de se dire que le pilote ne voit rien non plus. En se posant, après une heure de vol, soit un quart d’heure de plus que le temps habituel, Georges dit avoir fait un détour pour éviter une zone très nuageuse.

On sait que notre séjour à Mount Hagen sera bien différent de ceux que nous venons de passer dès qu’on voit Michael qui pourrait être chauffeur de taxi new-yorkais : un colosse noir pas très foncé, avec des mains comme des battoirs, un large visage rond, le nez épaté et des dents découvertes dignes d’une publicité pour Colgate. Jovial, trop jovial, de cette jovialité factice qui appelle le pourboire. Ce que nous apercevons de la ville de Mount Hagen n’est guère joyeux non plus, c’est vraiment sale, à certains endroits tout à fait repoussant, les marchands et marchandes de patates douces et de légumes sont assis par terre au milieu d’immondices sur des terrains vagues bordant une route défoncée. Et il faut près d’une heure pour atteindre Randon Ridge, la lodge toute neuve qui est le fleuron de la compagnie Trans Nuigini Tours.

C’est vrai que la vue est belle et qu’il a été fait un effort architectural : la terrasse est prolongée d’une pièce d’eau et d’un jardin fleuri assez sauvage, qui font que de la terrasse on ne voit pas du tout les chambres (recouvertes de tôle ondulée) qui sont en dessous, on voit les fleurs qui couvrent la vallée et la ville de Mount Hagen, la lodge et les montagnes d’en face émergeant au dessus. La lodge n’est qu’une vaste pièce, dont tout un des longs côtés est vitré, son décor et son ameublement sont modernes et elle est évidemment décorée de statues papoues ; mais l’effet produit est bien différent de celui que  ces statues produisent à Karawari. Ici, les sculptures sont à l’évidence toutes récentes et sorties d’ateliers qui font du papou comme d’autres en d’autres lieux font des sulpiciades. Les frises de style petit nègre qui court le long des murs et qui servent, dans les chambres de tête de lit, n’ont même rien de papou du tout.

Jan est à l’entrée, la nouvelle et jeune directrice de l’établissement ; elle n’est là que depuis deux moi, elle est néo-zélandaise d’origine japonaise. Elle a été embauchée sur la recommandation de Ben le directeur d’Ambua : le moins qu’on puisse dire est qu’elle est lointaine et manque de chaleur. Nous déjeunons tardivement d’une quiche au potiron et nous prenons notre chambre, vaste assez bien conçue, avec la vue sur la vallée. Il est 16h et la pluie se met à tomber, une pluie qui ne s’arrêtera que pendant la nuit.

Au dîner, nous invitons Jan à se joindre à nous et nous parlons surtout d’écologie, c’est l’écologie son sujet favori, elle ne sait rien de PNG qu’elle ne connaissait pas du tout quand elle est arrivée il y a deux mois. Il y a une table de 5 californiens arrivés aujourd’hui en NPG sans leurs bagages restés en Australie.

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