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Paule : Le lendemain, le dimanche 31 c’est un peu mieux. Il y a maintenant un guide Kandas sympa et précis dans ses commentaires. Nous visitons surtout un village où il y a un superbe jardin d’orchidées et où le propriétaire, Vincent Andambo est vraiment très sympa. Nous photographions toute sa famille, son fils, sa femme, ses parents et beau-père.
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Et nous avons la chance de voir dans ce village deux superbes cuscus. Ce sont des animaux magnifiques au pelage très doux et avec une très longue queue. Le 31 au soir, il ne se passe rien au Lodge, sinon un repas à peine amélioré. Il faut dire que la gérante Jane, une asiatique néo-zélandaise, est assez mal organisée et très peu efficace. Maurice : La journée d’hier nous fait revenir à la normale, après la semaine magique passée à Ambua et à Karawari Lodge. Je ne sais pas pourquoi Jan est là, mais tout ça n’a pas l’air de l’intéresser. Je parlemente un peu avec elle pour que, à la fin de la promenade que nous devons faire avec les 5 Amerlos, nous soyons conduits au siège de Trans Nuigini pour lire et envoyer du courrier électronique. Elle est d’accord. Mais ça ne se passera pas comme ça : alors que nous revenons, dans le bus conduit par Michael, celui-ci me dit « mauvaises nouvelles », les bagages des autres sont toujours en Australie, et du coup, il ne peut nous déposer au siège car il n’y aura pas de chauffeur pour nous remonter à Rondon Ridge quand nous aurons fin avec Internet. Quand Jan nous accueille, elle ne sait pas que nous avons été empêchés de faire ce qui avait été prévu avec elle et je lui reproche cet empêchement. Sa ligne de défense est que la décision vient du siège et non d’elle. Mais toute son attitude manifeste qu’elle s’en fout éperdument. |
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La promenade n’est pas inintéressante, sauf la première partie dans des jardins, sous la conduite d’une femme du pays, Pauline, qui est assez cohérente. On est dans ses jardins ou ceux de son mari, ici, les gens possèdent la terre individuellement et la transmettent par héritage à leurs enfants. Rien à voir avec la propriété collective qui était le fait des tribus de la Karawari. Et les gens, au moins certains, sont beaucoup plus riches : c’est Paule qui pose la question à Michael dans le bus, combien de cochons coûte une femme. Et la réponse du « bon chrétien » qu’est Michael est trente à quarante, un minimum de seize. Il ajoute que le village participe à l’achat par un jeune homme de sa première femme, qui doit venir habiter le village avec lui et dont les enfants contribueront à la population. Mais évidemment, comme ils sont « chrétiens » ils ne peuvent aider à l’achat des femmes suivantes, dont l’existence même fait vivre le mari dans l’état de péché mortel ! |
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Dans les jardins de Pauline tout pousse, patates douces de deux espèces au moins, canne à sucre, maïs, haricots, potirons et courgettes, casawa (tapioca ?), cacahuètes, caféiers, tabac, oignons , carottes, bananes, papayes, avocats, le seul outil semble être la pelle à long manche et lame carrée. La terre reste toujours très meuble et elle est divisée en planches de dimensions réduites, entourée de profondes rigoles, sans doute en prévision des pluies torrentielles. Les cochons en liberté fouillent la terre et aident à la travailler.
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Arrêt à Mount Hagen, où nous allons au marché, haut en couleurs, digne de celui de Tashkent ; il est aussi compartimenté, ici des bananes, là du tabac, plus loin des graines, ailleurs poivrons, courges et même tomates. J’achète un dixième de kina une cigarette faite d’une feuille de tabac roulée dans du papier journal et je la fume, ce n’est pas mauvais. Il y a plein de vêtements aussi, et de tissu, ainsi que des laines à tricoter. Les gens, nettement mieux habillés que d’habitude, à l’européenne, hommes en pantalons, femmes en robes à fleurs violemment colorées, sont comme ailleurs souriants, sympathiques et gais, ils se laissent photographier avec plaisir quand ils ne demandent pas qu’on les prenne en photo. |
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J’achète un journal, le National, le premier depuis dix jours, où j’apprends que la situation à Fidji n’a guère évolué et semble bloquée, les militaires refusent de rendre le pouvoir et Australiens et Néo Zélandais prennent des mesures de rétorsion faibles. J’apprends aussi que nous avons quitté la Malaisie juste à temps : la pluie apparemment n’y cesse pas depuis, et elle a provoqué de gros dégâts et quelques victimes, en particulier dans la province de Johor. L’après-midi semble faite pour nous faire apprécier, par contraste, les huit jours que nous venons de passer à Ambua et Karawari. Michael se met à faire le guide et il est exaspérant, péremptoire, sachant tout, sauf que rien n’est précis, qu’il se contredit, et émaille tout ça de plaisanteries qui le font rire, aussi un peu nos compagnons californiens, mais ni Paule ni moi. On va dans un village où l’on voit deux maisons visiblement construites et décorées pour amuser les touristes. Des crânes humains et d’innombrables mâchoires de cochons donnent à ces maisons un air sinistre, elles contiennent divers objets décoratifs, lames de pierre taillée, figurines sculptées, disposés de façon aléatoire et sans intérêt ; Michael dégoise sans s’arrêter mais je ne l’écoute plus. Et vient le « clou » de la visite : le « chef », masqué, armé d’une lance, entouré de deux bonnes femmes avec chacune vingt kilos de colliers autour du cou. L’une est supposée être veuve, mais elle a l’air fort joyeuse, l’instant d’avant elle était à l’entrée du terrain où a lieu cette exhibition, à tenter de vendre des sacs et colliers au milieu de tas d’autres femmes qui avaient déployé leurs trésors par terre, comme d’habitude. Le chef doit être chef comme je suis évêque ! Et Michael nous débite toujours des sornettes sur le rôle et l’importance du chef. On prend quand même des photos de ce chef d’opérette et de ses suivantes. Quand je prends l’une d’entre elles, qui a les seins nus, plus ou moins cachés sous un voile, elle écarte ce dernier et gonfle un peu la poitrine : elle est visiblement très heureuse que je photographie ses seins généreux. Les deux filles californiennes poursuivent leurs achats de sacs, je ne sais pas combien elles en auront acheté au bout du compte, mais sûrement un grand nombre. |
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La soirée est encore pluvieuse. On va manger à 7 heures, l’heure prévue. Jan fait le joli cœur avec le californien le plus âgé, au bar. On attend une demi-heure qu’ils aient fini et Paule en fait un peu sèchement le reproche à Jan, qui visiblement s’en tape. J’ai échangé trois mots, samedi matin avec cet américain, et clairement nos échanges s’arrêteront là, nous n’avons rien à nous dire. Ecrit au retour de la promenade : nous avons avec nous ce matin, outre Michael, un guide, Kandas, qui est intéressant. Il nous parle du système des clans, lui-même faisant partie d’un clan, et en étant sans doute un membre riche et important : un clan comprend typiquement 500 ou 600 personnes et une tribu est formée de cinq ou six clans. Un clan a un chef, mais, devenir chef comme le rester se mérite, les fils de chefs ne sont pas automatiquement chef et un chef peut être déboulonné. Les mérites des chefs, essentiellement acquis jadis à la guerre que se faisaient les clans entre eux (guerres de conquête de territoires, au cours desquelles, semble-t-il, ils restaient soucieux de minimiser les pertes humaines), sont aujourd’hui plutôt économiques. La possession de la terre, sur les hautes terres entourant Mount Hagen est individuelle et la terre se transmet par héritage de père en fils, mais le clan ne peut laisser un de ses membres sans nourriture. Prenant son propre exemple, c’est là qu’il nous dit posséder pas mal de terre, il nous explique que, comme il a un métier et un salaire et vit souvent ailleurs, ce sont ses frères et des parents de son clan qui vivent de sa terre, en la cultivant, non pas pour lui, contre un salaire, mais pour faire vivre leur propre famille. Un membre du clan doit être assez généreux, donner d’autant plus qu’il est plus riche et participer suffisamment, physiquement, aux activités du clan : dans le cas contraire il peut être déchu et rejeté par le clan. Le chef, dont le pouvoir est convoité par plusieurs challengers souvent plus jeunes, plus généreux ou meilleurs tribuns, la parole aussi est très importante, doit plus que tout autre se montrer digne de sa position ; son pouvoir n’a d’ailleurs rien d’absolu, il ne peut pas même décider seul de l’opportunité d’une danse rituelle, il est entouré d’un conseil d’anciens. Kandas nous parle alors du « moka », auquel je ne comprends pas grand-chose : le moka semble consister en l’offrande par un clan à un autre clan d’un certain nombre de cochons, une centaine ou plus, lors d’une belle cérémonie où l’on aligne tous ces cochons. Le clan qui les accepte, s’engage à en rendre le double, dans un délai raisonnable : si je tente de comprendre, c’est un jeu, le clan qui offre le moka, honore l’autre, indique aussi qu’il est prêt à marier de ses fils avec des filles de l’autre clan et à faire du commerce avec lui. Marier des filles rapporte et cela peut être la raison pour laquelle le clan à qui l’on offre le moka accepte, malgré l’engagement de rendre le double du nombre de cochons. C’est une compétition, répète Kandas, entre clans, et entre « hommes forts » des clans. |
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Kandas nous parle encore des esprits, ceux de la pierre,
symbolisés par de gros galets, en lesquels croient les gens de la vallée
Wari, et ceux des morts en lesquels croient les membres de sa tribu à lui,
dans la province voisine de Tara. Pour conclure que Dieu, le nôtre, celui
des chrétiens est en train de remplacer les esprits, en PNG. Nous visitons un premier village qui ne nous intéresse pas beaucoup, Paule et moi, des adolescents aux visages peints et vêtus de feuillage s’y livrent à une étrange danse dite des esprits dont nous ne sommes pas sûrs du tout qu’elle n’a pas été inventé pour amuser les touristes. Surtout parce que ces ados ont l’air lugubre, ne nous regardent pas vraiment, ne donnent pas du tout l’impression de s’amuser que nous ont donné les danseurs déjà vus ailleurs. |
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Puis nous allons dans un second village qui se dit fièrement « centre culturel » et qui est nettement mieux. Nous y déjeunons très sommairement comme la veille, sous une paillote, nous y visitons un jardin d’orchidées, où nous en voyons en fleurs quinze variétés différentes.
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Nous y admirons longuement deux cuscus, animaux superbes, de la taille de gros chats au pelage abondant, blanc et laineux ; ils ont un petit museau jaune, des yeux malicieux et une longue queue qui s’enroule sur elle-même. |
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Tout à la fin nous allons assister à la préparation des deux cochons que les gens s’apprêtent à manger pour célébrer la nouvelle année : les cochons sont déjà morts et ils les ébouillantent pour enlever les soies. Et là nous faisons la connaissance de toute la famille : je m’arrête pour photographier une petite fille de quatre mois que tient dans ses bras un homme qui me dit être son grand-père. L’homme qui nous a fait visiter le jardin et fait signer son livre d’or nous dit être le père de la fillette et nous présente son père à lui, homme magnifique sous un vaste chapeau, puis c’est la mère qui se présente et la grand-mère qui chique du bétel. Je prends tout le monde en photo et pour finir, le père, nous écrit son nom et son adresse. Bien belle famille ! |
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A la fin de cette promenade, Michael nous dépose au bureau de Trans Nuigini Tours, où arrive peu après Pamela, la femme du patron propriétaire, et d’après Pauline, la tête pensante et le véritable chef de la Compagnie ; la soixantaine passée, qu’elle porte bien, elle nous regarde avec une certaine condescendance et je ne pense pas qu’elle écoute vraiment Paule qui lui dit le bien que nous pensons de Paulus et de Chris. Mais elle nous ouvre son bureau où nous avons accès à Internet et pouvons envoyer un message de bonne année et rajouter un article dans notre blog. Un type rustique et aimable nous remonte ensuite dans une vielle camionnette jusqu’à la lodge où sont arrivés des « bird watchers » japonais, encombrés d’un formidable matériel, jumelles et téléobjectifs.
Jan est encore plus à côté de la plaque que la veille, elle ne sait pas que nous rentrons à POM demain, elle croit que nous partons pour Karawari. Avant de nous endormir nous tuons quatre gros insectes dans la chambre. |