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Lundi 25 décembre 2006 toujours à Ambua Lodge à Tari

Paule : Le temps est décidemment le même depuis que nous sommes ici. Les matinées sont agréables et le ciel est dégagé, mais ça se couvre en début d’après-midi et il pleut tout l’après-midi et une partie de la nuit. Nous attendons l’avion qui doit nous conduire à Karawari, qui vient de Mount Hagen exprès pour nous et nous serons les seuls passagers.

Nous sommes donc allés à la veillée de Noël hier soir. Nous sommes partis de la Lodge après dîner en camion avec Paulus et un chauffeur. L’église était pleine, les gens sont assis par terre, les hommes d’un côté et les femmes de l’autre. Il y a juste trois bancs dans le fond de la pièce. Ils nous invitent aussitôt à prendre place sur un banc qu’ils libèrent à notre intention. Ils chantent des Chants de Noël dans leur langue. Puis nous avons droit à la lecture d’un passage de la bible concernant la naissance de Jésus par un pasteur à la voix qui porte. Après la lecture, il donne encore des explications sur ce texte, puis il pose des questions à l’assistance pour s’assurer que tout le monde a bien compris.

Puis trois femmes et un homme adressent des prières à Jésus, en se tenant face à l’autel, chaque prière étant entrecoupée de chants. Puis les gens se souhaitent Joyeux Noël les uns les autres en se serrant la main et ils veulent tous nous serrer la main, se bousculant presque pour arriver les premiers. Tout cela est très chaleureux et ils ont l’air flattés que nous soyons parmi eux. Puis c’est la séance des offrandes et bien-sûr notre billet de 20 kiras est très apprécié. Nous nous retirons à ce moment-là et rentrons dans notre Lodge qui est le seul endroit où il y a de la lumière (grâce aux chutes d’eau ils ont leur propre générateur). L’église n’étant elle éclairée que par deux misérables suspensions.

Nous avons totalement changé de cadre. Ambua Lodge était en altitude et entouré de montagne ; ici nous sommes au bord de la Karawari River que nous dominons de 100 m à peine et la situation de la Lodge est encore très panoramique avec une vue très étendue sur la forêt tropicale. C’est un tout petit avion de 4 places (y compris le pilote) qui est venu nous chercher. Il y a une piste d’atterrissage pas très grande à environ 1 km de la Lodge. Le gérant Ben nous accompagne en camion avec 4 ou 5 employés de la Lodge.

Il y a énormément de paquets qui partent vers Mont Hagen et ils attendent 70 kg de provisions diverses que l’avion doit apporter. Le pilote, Georges, est australien, pas tout jeune, peut-être 60 ans. Nous sommes assis juste derrière lui. Le vol dure 45’ environ.

Nous survolons une assez grosse mine d’or au milieu de rien puis nous arrivons au dessus d’une zone de rivières, lacs et forêts et comme l’avion ne vole pas très haut, nous voyons tout cela très bien.

A notre arrivée, nous naviguons d’abord 10’ sur la rivière Karawari avant de prendre une jeep extraordinaire pour grimper à la Lodge. Elle est encore plus vieille que les camions qu’il y avait à Ambua et elle est entièrement bariolée de dessins très jolis qui masquent probablement la rouille de la carrosserie.

Nous sommes accueillis par Pauline, une canadienne de 55 ans environ, très sympathique avec qui nous parlerons beaucoup pendant le séjour à Karawari Lodge. La véranda, largement ouverte sur l’extérieur, est un véritable musée. Les tables ont leurs pieds sculptés. Il y a un bar avec des chaises faites d’un seul morceau d’arbre. Toutes ces chaises sont abondamment sculptées. Il y a également un tambour, lui aussi sculpté, et ils en jouent pour annoncer que c’est l’heure du repas. Ces tambours sont également utilisés pour communiquer d’un village à l’autre, car le son harmonieux porte très loin.

Le toit de la véranda et les maisons qui servent de logement n’ont plus du tout la même forme que dans les Highlands. Les maisons sont très soignées, assez grandes et construites avec beaucoup de soin. Le toit est toujours fait de palmes séchées tandis que les murs latéraux sont faits de troncs ou de tressages divers. Nos lits sont entourés de grandes moustiquaires qui forment une cage. Nous déjeunons avec Pauline qui nous dit qu’il y aura un diner de Noël le soir.

Nous partons pour une première promenade vers 3h. On navigue un moment sur la Karawari River avant d’arriver au village de Kundiman 1 où nous devions avoir une démonstration de sago mais qui est reportée au lendemain. Il y a énormément d’enfants sur les bords de la rivière et dans la rivière. Ils sont entièrement nus et très joyeux.

Les maisons sont vraiment très belles et les villages très soignés. Comme le programme n’est pas respecté à Kundiman 1, nous allons à Kundiman 2 pour réserver la démonstration de sago pour le lendemain. Nous revenons au Lodge et notre guide Chris nous emmène pour une marche d’une ½ heure à travers la forêt et nous descendons jusqu’à la rivière où le bateau nous attend pour nous ramener.

Le dîner de Noël est très agréable. La table est superbement dressée. Il y a des fleurs partout posées directement sur la table. Les serviettes sont pliées en forme d’oiseau. Nous mangeons d’abord des espèces de roulades au saumon fumé servies avec une sauce citronnée et c’est très bon. Puis nous avons droit à des noix de coco posées sur un lit de riz pour les caler (une par personne). Les noix de coco sont creusées et évidées et servent de présentoir pour du poulet et des légumes qui baignent dans une soupe très onctueuse. Cela est très joli et très bon, puis un gâteau pour terminer ce repas. Pauline nous offre alors nos cadeaux de Noël : un sac traditionnel pour moi fait de fibres tressées et un long bois sculpté pour M. La soirée est très agréable.

Maurice : Paule a décrit heure par heure ce que nous avons vu pendant ces deux derniers jours et je ne vais pas recommencer. Cela a été très dense et très intéressant. Nous ne savons pas tout sur les Hulis, mais nous avons appris beaucoup de choses de notre guide Paulus, traduisant ce que disaient des gens que nous sommes allés voir, ou répondant longuement à nos questions.

Les hulis sont vraiment polygames. A un moment nous parlions avec plusieurs chauffeurs et Paulus à l’entrée d’Ambua Lodge et ils faisaient le compte de leurs femmes. L’un en avait 3, Paulus et un autre deux, mais Paulus doit en acquérir une troisième dès qu’il aura suffisamment de cochons, il nous l’a montrée. Un autre chauffeur n’en a qu’une mais est engagé avec une deuxième. Les femmes s’achètent à leur famille, en kiras de papier aujourd’hui, les kiras de papier ont remplacé (pas complètement) les kiras de nacre, ces morceaux de coquillages en forme de croissant, qui étaient, il y a peu, la monnaie et qui servent encore d’ornement essentiel du corps des hommes.

Cette polygamie ne fait pas des hulis mâles de grands baiseurs, il s’en faut de beaucoup. Hommes et femmes vivent séparément, les femmes n’allant pas dans les maisons des hommes et les hommes allant dans celles des femmes, où il y a aussi les enfants en bas âge, essentiellement pour manger. Y faire l’amour, m’explique Paulus est incommode, quand il y a plusieurs femmes et toute une marmaille d’enfants, alors on emmène sa femme faire l’amour dans le bush. Les deux femmes de Paulus vivent dans la même maison car elles s’entendent bien, avec les six enfants de Paulus et de ces deux femmes qui ont entre 16 ans et 18 mois.

La société est aussi peu permissive que possible en matière de sexe : pas de relation sexuelle avant le mariage, pas plus pour le garçon que pour la fille. Même quand le mariage est conclu et célébré, il faut attendre que la récolte soit faite (par les femmes, ce sont elles qui cultivent et récoltent) et que les « augures » soient favorables (là évidemment Paulus est très imprécis !) : le jeune couple part alors quatre ou cinq jours pour faire un enfant. Au retour on attend : si la femme est enceinte, son mari ne la rencontre plus sexuellement pendant près de 3 ans, le temps de sa grossesse et de son accouchement, plus deux ans où lui faire l’amour serait préjudiciable au bébé. Faire l’amour à une fille non marié peut coûter très cher, quinze cochons, somme exorbitante, que réclame la famille de la fille, alors qu’une femme ordinairement s’achète si j’ai bien compris « un cochon », environ 1000 kiras. Cela n’empêche pas complètement les jeunes de faire l’amour entre eux mais en se cachant bien.

Une des choses les plus extraordinaires que nous ayons vues est la « whig school » : des garçons y rentrent entre 18 et 20 ans, puceaux, ceci est essentiel car s’ils ne le sont pas leur chevelure ne pousse pas bien. Ils y restent 18 mois au moins le temps de laisser pousser une belle perruque, ce sont leurs propres cheveux qui vont garnir un cerceau de forme ovale. Il faut arroser les cheveux abondamment tous les matins dans la rivière. Dormir avec cette perruque en formation sur la tête est incommode ; ils dorment allongés mais la tête reposant sur une poutre à environ 30 cm du sol ; au bout de six mois le maître et propriétaire de cette école passe l’inspection, si les cheveux ne poussent pas bien, le garçon est renvoyé, ignominieusement car soupçonné d’avoir eu des relations sexuelles (là, bien sûr, on aimerait en savoir un peu davantage, sur par exemple la masturbation, permise ou non, dans cette école !).

Ce qui est sûr c’est qu’être passé par cette école, être un « whigman » fait d’un garçon un garçon bien, considéré par la société comme un garçon bien, avec probablement des connotations religieuses. C’est une preuve de continence sexuelle donc de maîtrise de soi et peut-être de communication avec les « esprits ». Outre le maître, nous voyons dans cette école, trois garçons qui ont nettement plus de vingt ans, mais c’est qu’ils sont là depuis longtemps et ont déjà laissé pousser plusieurs perruques, pour l’un c’est la cinquième. De toute façon, si le garçon n’a pas de quoi prendre femme, il ne peut se marier, ni s’établir, dans la vie. Alors il vend sa perruque qui peut valoir jusqu’à 600 kiras, tout le monde peut porter une perruque, juste pour se faire beau, Paulus en essaye une devant nous, et il recommence. S’inscrire à l’école pour 18 mois coûte 200 kinas, ce qui paraît franchement peu cher, pour le vivre et le couvert pendant dix-huit mois, mais j’imagine que ces garçons doivent travailler d’une façon ou d’une autre. Le propriétaire qui nous accueille en costume local, n’a pas l’air commode du tout, on l’imagine faisant régner une très stricte discipline. Par ailleurs il tient une maison d’hommes, pour des garçons sortis du giron féminin et des jeunes hommes non mariés, c'est-à-dire trop pauvres pour l’être. J’imagine que ces jeunes hommes doivent aussi gagner le droit d’habiter cette maison, mais ce qu’ils font n’est pas clair du tout.

Les jardins dans lesquels sont cultivés les fruits et légumes dont ils vivent semblent être acquis avec l’épouse, ils font partie du contrat. Paulus en a que cultivent ses deux épouses, et ne se plaint pas. Les cochons, dont on a vu pas mal tenus en laisse, doivent je pense se nourrir essentiellement tous seuls.

Paulus qui est allé trois ans à l’école fondée et tenue par des missionnaires catholiques est devenu catholique, jusqu’à un certain point, bien-sûr. Il pense quand même que ce n’est pas bien de faire appel aux esprits, ou au soleil, et qu’il faut enterrer les morts, alors qu’avant les missionnaires, on les exposait sur des plate-formes de bois haut perchées, où sans doute divers charognards avaient tôt fait de les faire disparaître.

Après nous avoir dit que tous les hulis étaient devenus chrétiens, il a fini par estimer que c’était moitié-moitié. Et de toute façon, on voit mal comment la polygamie serait remise en cause.

Nous visitons quelques cases, vraiment très primitives, toutes avec un foyer à même le sol, sans conduit de fumée. Le matériel de cuisine est extrêmement rudimentaire, il n’y a pas d’électricité. Le matériel agricole semble tout aussi rudimentaire. On voit de près des cultures de patates douces, curieusement organisées en petits monticules de terre meuble. Les seuls outils que nous voyons, entre les mains d’hommes sont des machettes à longue lame, une bonne cinquantaine de centimètres et des  petites haches (en fer mais pas très différente de celles en pierre qu’ils vendent aux touristes).

Le sort des veuves n’est pas très enviable, on va en voir une, entourée de trois suivantes. Le visage couvert de craie, couverte de haillons de la tête aux pieds, elle a absolument l’air d’un spectre. On ne les laisse jamais seules, car, dit-on, leur défunt mari en profiterait pour les tuer, mais les suivantes, celles qu’on a vues étaient des jeunes filles nubiles et assez belles, doivent aussi veiller à ce que la veuve n’aguiche pas les hommes. Elles peuvent se remarier avec un parent du défunt, frère ou cousin, mais si elles veulent se remarier avec un autre, il faut rembourser la famille du mari et aussi attendre que le plus jeune enfant ait un certain âge.

Cette plongée de deux jours dans le monde Huli est vraiment passionnante, et remarquablement organisée. Ambua Lodge paye les gens que l’on va voir et ils sont prévenus de notre arrivée pour pouvoir se préparer, c'est-à-dire s’habiller, ce que les hommes font avec un soin extrême, ceux qui pour nous dansent la danse du soleil ou la danse des esprits, mais aussi beaucoup d’autres. Partout l’on est très bien reçu, un peu cérémonieusement, échanges de paroles d’accueil et de remerciements au départ, poignées de mains. Ils se laissent photographier sans difficulté et parfois en redemandent. Au marché, haut en couleur, souvent alors que je viens de photographier un garçon ou une fille, celui ou celle d’à côté me fait signe de le prendre aussi et même des dames visiblement d’âge mûr, me font signe qu’elles ne détesteraient pas être prises en photo !

Si la coquetterie des hommes est particulièrement remarquable, celle des femmes existe aussi. Pour elles pas de plumes, le vêtement semble moins codifié, sauf le pagne en paille qui leur est réservé, mais qu’elles portent peu. Elles peuvent être fort élégantes et jolies, avec des jupes, des bonnets, des sacs très colorés. Et tous ces gens sourient, il y a comme une grande douceur généralisée, ils disent bonjour, à Paulus ou au chauffeur que beaucoup connaissent, mais à nous aussi.

A l’église catholique, où nous sommes allés hier soir passer une demi-heure avec Paulus, les gens paraissaient très heureux de nous serrer la main au cri de « merry chritmas » et tout particulièrement les enfants.

Je reprends à Kawahari Lodge, à la fin du déjeuner avec Pauline, la dame canadienne qui fait office de directeur. En fait elle est plus haut placée que ça dans l’organisation de Trans Nuigini qui est essentiellement la propriété d’une famille vivant à Mount Hagen, sauf que Pauline et son mari semblent avoir quelques billes dans l’affaire. Pauline a aussi dirigé deux ans Ambua Lodge et connaît bien les Huli. Ici tout a changé, le paysage, la végétation, les gens, les cases. Le temps d’un voyage de 50 minutes en avion piloté par Georges, australien pas tout jeune : nous nous sommes transportés à plusieurs, dont Ben, le directeur australien, jusqu’à l’ « air strip », tout près de la lodge, il faut dire qu’il y avait pas mal de matériel à emmener et à ramener, Paulus était là aussi, depuis ce matin il avait orné son bonnet de fleurs de bougainvilliers, et, au moment de partir, il s’est peint un triangle blanc sur la joue.

Au moment de quitter la lodge nous avons fait des photos avec une grande partie du personnel qui semblait heureuse de poser avec nous.

Improbable arrivée du petit avion que l’on ne voit qu’au dernier moment. Déchargement et chargement prennent vingt minutes et nous voilà partis avec Georges, qui visiblement n’a aucune hésitation sur le chemin à suivre. Au début on survole le pays huli, ce qui permet de constater qu’il est plus habité et plus cultivé qu’on ne le croit si on s’en tient à ce qu’on voit de la route ; puis on ne survole plus grand-chose, on passe une assez haute chaîne de montagne, des sommets doivent frôler les 4000 mètres, c’est la forêt, sans trace d’habitation humaine ni de route ou chemin. Sauf à mi-parcours on l’on survole une grande mine d’or.

Puis on redescend assez vite, on voit apparaître les premières rivières sinueuses et lentes, pleines à ras bord, dans un paysage devenu tout plat. On voit au dernier moment l’autre air strip, herbu lui, sur lequel l’avion se pose avec précision.

Il y a là quelques gamins, dont deux bites à l’air (je n’en ai vu aucun bite à l’air comme ça en pays huli), deux ou trois hommes et deux employés en uniforme de Trans Nuigini, dont l’un, Chris, semble devoir être notre guide pendant les quatre jours à venir. Georges et son avion repartent pour Mount Hagen, ce sont eux qui vraisemblablement reviendront nous chercher vendredi.

La rivière n’est pas loin, un bateau à fond plat, sans charme, pouvant transporter une vingtaine de personnes nous attend et nous remontons la rivière pendant une vingtaine de minutes. Sur ses bords on voit pas mal de maisons sur pilotis, nettement plus élaborées que les cases huli.

Au débarcadère, le « Sepik Spirit » est amarré, c’est le bateau sur lequel nous devions naviguer. La croisière a été annulée quand un groupe qui devait partir avec nous s’est désisté : drôle de bateau, très haut sur l’eau, pas vraiment un chef d’œuvre d’architecture navale. Ils ont annulé la croisière, mais pas notre séjour, bien que comme à Ambua, nous soyons seuls clients et il semble même que Pauline est venue Samedi exprès pour mettre la lodge en état de marche et nous y accueillir, ce qu’elle fait avec grâce, sur le perron, où nous arrête un vieux 4X4 Toyota bariolé qui fait la navette entre la lodge et l’embarcadère.

Une femme du pays à côté de Pauline nous tend des serviettes rafraîchissantes. Construite avant Ambua, vers 1970, le Lodge domine la rivière et le pays très plat, fouillis de palmiers, qui s’étend à l’infini de l’autre côté.

C’est une très vaste salle, construite avec les matériaux et dans le style du pays, assez belle, mais surtout remarquable par les sculptures qu’elle contient en grand nombre, des pas chères, beaucoup de bonshommes très semblables à celui que nous avons acheté à Adélaïde, mais aussi des pièces beaucoup plus grandes dont certaines très belles, beaucoup plus que ce que nous avons vu chez le marchand de POM, jeudi dernier. Et les propriétaires ont fait sculpter des fauteuils, tabourets de bar et guéridons qui sont très réussis. Comme les pascuans, les gens du pays sont vraiment des sculpteurs nés.

Déjeuner avec notre hôte canadienne, nos trois couverts sont mis à la même table. Elle est assez agréable, elle ne serait pas là bien-sûr si elle n’avait pas de la sympathie pour les peuples primitifs, mais elle n’en déborde pas non plus, il est vite question des difficultés qui attendent les gens d’ici, en particulier la nouvelle génération impatiente de bénéficier des bienfaits de la civilisation qu’elle connaît mieux que ses aînés, mais prisonnière de la tradition, des difficultés de l’accès à l’éducation et de l’absence de travail. Pauline a fait préparer pour ce soir un repas de Noël, qu’elle partagera avec nous.

Au cours de ce repas Pauline nous fait des cadeaux, un sac fait au crochet en fibres végétales pour Paule et pour moi un « kawangabbi », assez bel objet, indescriptible : c’est un morceau de bois oblong avec saillant sur sa face concave des espèces de crochets, le tout peint essentiellement en noir et ocre. Ces objets étaient des matérialisations d’esprits d’ancêtres et jouaient un grand rôle.

Il était prévu cet après-midi une démonstration de fabrication de farine de « sago » que l’on fait avec une partie d’un arbre ressemblant à un palmier et qui pousse naturellement partout par ici ; cette farine, transformée en espèces de crêpes ou en bouillie épaisse est la base de leur alimentation. Quand on arrive au village, en bateau, avec Chris, il apparaît que les villageois n’ont rien préparé, et que nous n’aurons pas de démonstration. On est accueilli par des nuées d’enfants pour la plupart nus, garçons et filles de moins de dix ans.

On voit quelques dames aux seins nus et quelques hommes qui ne semblent pas vraiment heureux de nous voir, ils ont l’air plutôt renfrognés et n’ont pas du tout l’œil malicieux et rieur des Hulis.

On regarde et je photographie quelques maisons sur pilotis et une fort belle église catholique, sur pilotis elle-aussi, construite comme les maisons et couverte de palmes. Chris n’a pas du tout le charme de Paulus, mais il semble décidé à faire bien son métier de guide : pour nous faire oublier l’absence de démonstration, il nous emmène à pied, on traverse la Lodge puis à travers la forêt, on redescend jusqu’à la rivière où nous attend le batelier. Il est cinq heures et la pluie se met à tomber.

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