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Mercredi 10 janvier 2007 à Hienghene

Paule : Ce matin, la dame du SI nous appelle pour nous dire qu'elle a trouvé un bateau qui pourra nous balader cet après-midi. Nous allons pique-niquer au bord de la mer sur la plage, sous la gendarmerie. Là, au moins, on peut se baigner. Puis à 2h nous partons en bateau. On commence par remonter la rivière, que nous avions longée hier pour aller dans les tribus sur 3Km, puis on revient à Hienghène et on se promène en bateau dans la baie.

Le paysage est assez beau, il y a de gros rochers noirs qui sont en plein milieu de la baie et qu'on approche d'assez près mais pas question d'aller dans les îlots que l'on voit au large. 

Dans l'ensemble on se sent assez mal en NC. Les kanaks ne sont pas aussi chaleureux et joyeux qu'étaient les papous et on sent trop la différence entre les "colons'' qui ont toutes les bonnes terres et les kanaks qui cultivent difficilement un petit lopin de terre.

Mercredi soir on a mangé agréablement à Hienghène à coté du syndicat d'initiatives. Nous étions seuls au restaurant et le service était assuré avec beaucoup de grâce par la nièce de la patronne, petite-fille kanak de 4 ans très délurée et parlant admirablement bien.

Maurice : Perdu une heure, ce matin à tenter de mettre un article sur notre blog, article que j’avais rédigé hier sous le titre « triste mascarade » et mis sur la clé USB. Le voici :

Triste Mascarade

Au Syndicat d’Initiative de Hienghène, ce matin, une dame kanake nous donné le nom d’une personne à aller voir dans la tribu de Tendo, à vingt kilomètres dans la montagne. D’autres voyageurs blancs, à côté de nous, s’étaient renseignés sur les possibilités d’hébergement offertes par les tribus, et désargentés, semblaient désireux d’aller coucher dans une case dortoir, encore plus haut dans la montagne.

C’est alors que la dame du SI, avec le ton convaincu d’une hôtesse de l’air expliquant comment on gonfle un gilet de sauvetage, nous a rappelés à tous les quatre les « règles » pour aller dans les tribus :

-Se faire annoncer (en ce qui nous concerne elle a essayé de nous annoncer mais le téléphone ne répondait pas)

-Emporter avec soi un morceau de tissu (qu’on peut acheter au bazar du coin mais dont il n’est pas précisé s’il doit être de dimension suffisante pour faire un cache sexe, une jupe, ou un drap de lit king size !), un paquet de cigarette (comment la République peut elle laisser faire ça ?) et 500 CFP soit 4,2 € ; Tout cela à remettre au « chef » si on le voit, sinon au membre de la tribu que l’on voit, en lui demandant respectueusement de remettre ces présents au « chef ».

Nous sommes montés à Tendo qui est une succession le long de la route, dominant la rivière, d’habitations très disparates, des cases rafistolées avec des morceaux de bâche bleue, ou des planches, ou des bouts de tôle, ou des écorces, des cubes de ciment, des HLM locaux (le style est différent de celui de la métropole mais on sent que leur architecture est régie par les mêmes sages principes d’économie) déjà bien fatigués bien que récents, une église à faire hurler, plus au bout un cimetière de bagnoles. Une dame en contre bas lavait dans la rivière où jouaient quelques gamins, ce sont les seules âmes vivantes que nous ayons aperçues en dehors de trois cantonniers à l’entrée. Nous n’avons pas demandé à voir la dame dont nous avions le nom, nous avons fait demi tour et sommes repartis.

La veille, nous avions vu un village, lui, une peu construit avec une grande place herbue hérissée de cinq mats totem, récents mais pas mal, entourée de quelques cases en bon état et de petits abris couverts de palme. Personne là ne nous a rien demandé, nous n’étions porteur d’aucun présent pour le chef, le seul kanak qui était là, que nous avons vu après notre visite était aimable et paraissait content que nous soyons  intéressés par son village.

Je ne sais pas à quoi rime la mascarade consistant à nous faire croire que les tribus ont des chefs exigeant des présents (au demeurant ridicules) pour qu’on puisse fouler le sol de la tribu. Ces tribus, constitués en villages, ont bêtement des maires élus, ne détenant pas leur pouvoir de quelque puissance surnaturelle que ce soit, ni d’aucun commerce particulier avec les esprits, les ancêtres, ou les mânes des morts, mais du suffrage universel. Jean Marie Tjibaou était maire de Hienghène parce qu’il s’est présenté aux élections et a été élu. En plus, officiellement les kanaks sont à 96% chrétiens, il y a d’ailleurs plein d’églises partout et j’imagine qu’il y a aussi des ministres de ces cultes (aussi variés qu’en Amérique, catholiques romains, toutes les variétés de protestants, église de la Pentecôte, Présence du Christ etc). Entre les représentants élus du peuple et les prêtres de diverses obédience je ne vois pas la place que peuvent occuper les « chefs » et je me demande s’ils existent vraiment, si ce ne sont pas seulement des épouvantails pour faire peur aux blancs, des vieux ronchons que l’on doit de temps en temps affubler de quelques plumes et dont on se sert pour extorquer un peu plus d’argent à l’administration. J’imagine le maire discutant d’un budget et disant « oui, c’est bien, mais les « chefs » ne sont pas contents ! ». Et toute l’imagerie des terribles chefs indiens qui a fait trembler notre enfance se met en branle pour amener le représentant de l’administration à rallonger la sauce.

Mais tout ça, ce sont des mauvaises pensées iconoclastes ! Le vrai étant que ce que nous voyons et sentons des rapports entres blancs et kanaks nous attriste beaucoup.

Je suis vraiment furieux contre le club Med pour des tas de raisons :

§          On ne peut absolument pas se baigner dans la mer, il y a une bande de sable, d’ailleurs pas très beau, ni fin, ni blanc, et dès qu’on rentre dans l’eau ce sont des rochers, plats mais plein de trous, qui se prolongent très loin recouverts par moins d’un mètre d’eau. Impossible d’atteindre une zone où il y ait assez d’eau pour nager.

§          La piscine est indigne d’un établissement de cette catégorie.

§          La wifi n’est pas à la disposition des clients.

§          Ils n’ont pas de parapluies, bien que notre bungalow soit à 300 mètres du centre et l’expérience prouve qu’il pleut. Lundi soir c’était le déluge et hier la pluie a recommencé vers 14 heures. On ne peut se tenir dehors quand il pleut, nous avons bien deux fauteuils à la porte de notre bungalow côté mer mais pas d’auvent pour les abriter.

§          Ils ne proposent rien, sauf une excursion dans la vallée d’un petit fleuve qui ne nous intéresse pas et est fort chère. Pas de bateau pour aller dans les îlots que l’on voit. Hier nous avons demandé à un kanak, sur la plage, et il nous a dit qu’un bonhomme possédant le petit bateau que l’on voyait amarré en face du club et n’habitant pas loin pourrait sans doute nous emmener : quand j’ai demandé aux hôtesses du club, elles étaient deux, kanaks toutes deux, elles ont pris l’air stupide, elles n’avaient jamais vu ce bateau, elles n’avaient jamais entendu parler de quelqu’un possédant un bateau. Je les ai engueulées, bien inutilement.

Le SI de Hienghène n’est pas plus efficace, la fille avait promis de contacter des gens pour nous emmener en bateau et avait noté le numéro de notre bungalow pour nous téléphoner le résultat, naturellement elle n’en a rien fait.

Tout ça est assez lugubre, le bidonville au bord de la rivière qui abrite la tribu de Tendo ne donnait pas la plus petite envie de pénétrer à l’intérieur. Le snack à Hienghène près du marché est fermé, il faudrait me payer cher pour que j’aille manger à une « table d’hôte » non loin, aussi sale que sinistre (alors que nous n’avons pas hésité à manger en Malaisie dans des boui-boui de très bas étage !) ; nous avons sobrement pique-niqué hier au bord de la rivière, au soleil mais juste avant la pluie. Et c’est sous la pluie que nous avons visité le centre culturel de Hienghène.

Quatre cases rondes dans lesquelles faisaient la sieste à même le sol divers citoyens et citoyennes kanaks.

Un sculpteur débile qui avait son atelier là, a allumé la lumière mais ne nous a pas adressé la parole : il a eu un deuxième prix dans la catégorie « signes identitaires », ce qui veut dire qu’il tente de faire du « kanak moderne » et ça donne vraiment de l’art « petit nègre » misérable aussi bien dans sa conception que dans son exécution ! Les ateliers de tissage et de poterie sont fermés.

Puis il y a un « musée » où sont exposés trois chambranles de portes, ni vieux ni beaux (à vrai dire ils sont tous pareils, ce sont des têtes d’hommes au visage renfrogné), une salle d’exposition de trois ou quatre sculptures modernes, toujours dans le registre kanak, autant de peintures également kanaks (portraits de Tjibaou imitant le célèbre portrait du Che) et des dessins d’enfants.

J’ai feuilleté un ouvrage sur Tjibaou dans lequel Levallois est cité plusieurs fois, mais Levallois n’a pas beaucoup écrit, sa seule œuvre mentionnée est un article dans le journal de la société des océanistes sur l’exposition Melanesia 2000 qui a été le grand moment de la vie de Tjibaou.

Je renonce à acheter ce livre qui vaut plus de trente euros et n’est qu’un panégyrique du grand homme et de son « éthique ». Nous rentrons vers 16 heures passablement mouillés.

Tout ça ne dit pas ce que nous allons faire aujourd’hui, pour l’instant je vois du soleil mais la pluie n’est pas loin.

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